À 20 ans Julie était amoureuse de Matéo, son premier véritable amour.
Avant ça, le désert sentimental. Rien. Le vide total. Elle n’était pas contre l’idée de sortir avec des garçons, c’est juste qu’elle n’intéressait personne.
Elle n’a jamais été la plus jolie, celle que tous les garçons regardent, celle dont tout le monde parle. Elle était tout simplement invisible. Elle n’était pas habituée à parler aux garçons, alors elle n’a pas su quoi dire, quand Matéo l’a abordée.
Matéo était un beau garçon, un bel italien. Il était toujours sûr de lui et il était sûr que Julie serait la femme de sa vie. Julie était ravie. Tout était nouveau pour elle, c’était le temps des premières fois. Elle ne savait pas comment réagir. La pauvre était complètement perdue. En même temps, comment aurait-elle pu savoir ?
Dans sa famille le sexe est tabou et les relations amoureuses avec les garçons, c’est mal. Les relations avec les filles ? Ça passe. Malheureusement pour sa mère, Julie trouve ça dégueulasse.
A sa naissance, Julie est tombée sur une mère féministe en guerre contre les hommes. La seule chose que sa mère lui ait vraiment apprise sur les garçons, c’est qu’ils sont mauvais.
Julie a eu pour modèle, une mère célibataire, divorcée, jamais remariée qui n’a jamais réussi à retenir un homme plus de 2 ans. Son meilleur score. Les hommes apparaissaient dans la vie de Julie, puis disparaissaient, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi. Ils n’étaient tout simplement plus là.
Sa mère jouait aussi le rôle de papa, alors elle a tenté de lui inculquer cette idée farfelue que la femme est l’égale de l’homme. Julie voyait bien qu’il y avait une différence, « les vrais papas ne sont pas comme ça », mais elle a préféré ne rien dire.
Le féminisme était très important aux yeux de sa mère. Après chaque déception amoureuse, entre deux sanglots, elle essayait de faire croire à sa fille que les femmes sont fortes et indépendantes. Elle lui disait :
Fais des études, trouve un travail, concentre-toi sur ta carrière. Tu n’as pas besoin d’un homme. Tu ne peux compter que sur toi-même. Les hommes sont tous des salauds. Les hommes sont infidèles, tous des menteurs. Éloigne-toi d’eux !
Bref, la base.
Julie est née dans la matrice, elle a subi ce genre de propagande toute sa vie, alors Matéo était en quelques sorte sa pilule rouge.
À la seconde même ou Matéo a prononcé les mots : « T’es vraiment trop belle », Julie a compris qu’elle était faible, dépendante, totalement sous son emprise, prête à croire le moindre mot qui sortirait de sa bouche et surtout que les hommes sont merveilleux.
Bref, la base.
Elle a passé toute sa vingtaine accrochée à ses lèvres, au sens propre comme au figuré. Les hommes ont ce pouvoir sur les femmes qui font d’elles leurs esclaves. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de le leur demander gentiment.
C’était une relation totalement inégalitaire. Matéo était son dieu. Julie était fière de servir son maître. Quand elle était sage, il la récompensait d’un bisous. Quand elle était obéissante, elle avait le droit à un câlin et quand elle se soumettait sexuellement, il lui faisait croire qu’il l’aimait.
À cause du féminisme de sa mère, Julie n’avait pas la moindre idée de ce qu’était l’amour. Elle n’y connaissait absolument rien, alors c’est tout naturellement qu’elle a accepté d’avorter de son premier enfant.
Elle était pourtant si heureuse d’être tombée enceinte ! Elle aurait enfin eu l’occasion de vivre ces belles histoires que l’on ne voit que dans les films. Il était l’homme de sa vie, elle rêvait de fonder une famille avec lui, mais Matéo a dit non.
Il ne voulait pas faire d’enfant avec une femme incapable de s’occuper de son petit. Il avait beau lui expliquer encore et encore comment sa mère lui faisait ses spaghettis, sa lessive, ou son ménage, Julie ne comprenait absolument rien. La cruche.
Julie avait toujours tout faux ! Elle ne faisait aucun effort, sauf bien sûr quand Matéo lui criait dessus. Il n’y a que comme ça qu’elle comprenait. Elle réalisait enfin combien la mère de Matéo était à tout point de vue, bien mieux qu’elle.
Chez les italiens, « la mamma » est au cœur de la famille. Ce sont elles qui tiennent la maison. Ce sont encore elles qui s’occupent des enfants, et bien sûr ce sont elles qui prennent soins de leurs maris. Sauf bien sûr quand ils ont des maitresses, mais ça c'est une autre histoire. Matéo était trés éxigent envers les femmes, il préférait attendre que Julie se hisse au niveau de sa mère.
Il n’était pas du genre à tergiverser. Il a été on ne peut plus claire et il n’en serait pas autrement. Julie a dû se faire une raison, elle a renoncé à son rêve de devenir mère par amour pour Matéo.
Quand la mère de Julie a appris la nouvelle, elle s’est occupée de tout. Pour ces choses-là, c’était une vraie championne. Elle avait des relations. Elle pouvait fait avorter n’importe qui, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment.
Si Julie hésitait, sa mère trouvait les mots pour la convaincre :
Tu devrais écouter Matéo, tu es bien trop jeune pour avoir un enfant. Tu as tout le temps, tu as toute la vie devant toi. Comment tu vas faire pour tes études ? Si tu veux un bon job, bien payé, il faut que tu obtiennes ton diplôme ! Et qu’est-ce qu’il t’a dit Matéo ? Il n’en veut pas. Il veut que tu avortes. Fait ce qu’il te dit.
Résultat : Julie a obéi.
À 30 ans, Julie avait changé. Elle n'était plus la cruche de Matéo. Cet avortement n’était plus qu’un lointain souvenir, mais son désir d’enfant lui, était toujours bel et bien présent. Matéo était parti avec une femme plus mince et plus jolie, parce que Julie avait grossi.
Pour le remplacer, elle a d’abord essayé les applications de rencontre, mais comme toutes les femmes en colère contre les hommes et en particulier ceux qui ne les rappellent pas, elle a préféré congeler ses ovocytes. D’après les bouquins féministes de sa mère, c’était le bon moment. Ensuite, elle voyagerait.
Julie fuyait sa vie. Elle faisait le tour du monde. Elle se rendait dans des lieus exotiques pour réaliser que la vraie vie était là-bas. Cet ailleurs, où les gens ne vivent de rien, font 10 enfants et semblent heureux.
Elle était fatiguée de se battre contre des hommes qui lui disent non :
Non, je ne veux pas d’enfants. Non, je ne veux pas d’une relation sérieuse. Non, je ne veux pas m’installer avec toi.
Mais aussi :
Non, tu n’auras pas d’augmentation, on a pas assez de budget pour augmenter tout le monde alors il n'y a que lui qui sera augmenté. Non, on ne peut pas te donner cette promotion parce qu'à ton âge tu vas bientôt tomber enceinte. Non, on ne recrute pas de femme à ce poste, c'est trop compliqué pour une femme. Non madame, votre crédit immobilier est refusé parce que vous n’avez pas de mari.
Elle voyait bien que les hommes lui passaient devant. Ils travaillaient moins, riaient plus, mais avec les bonnes personnes. Oui, un bon réseau fait une grosse différence. Au doigt mouillé, à peu près 30% de salaire en plus. Malheureusement, sans cet argent, impossible d’acheter un bien immobilier.
Elle n’aura jamais cette grande maison avec son beau jardin fleuri. Elle peut oublier son mari aimant qui lui ferait la cuisine, pendant que ses enfants courent partout en faisant du bruit.
Avec les hommes, elle n’était jamais récompensée. Pourtant, elle s’investissait beaucoup. Dans son travail, pour oublier les hommes. Dans ses relations amoureuses, pour oublier son travail. Elle était toujours déçue et le temps passait.
Son besoin d’amour et son désir d’enfant la détruisait intérieurement, alors à 39 ans, elle a sauté le pas. Julie a décidé de faire un bébé toute seule ! Elle disait à qui veut l’entendre que : Non, ce n’est pas trop tard, il y en a même qui en font à 50 ans !
Elle en avait le droit, alors elle a tenté une PMA pour les femmes seules.
6 ans de PMA, 6 ans de ponctions, 6 ans de fausses couches. Julie s’est battue. Un parcours semé d’embuches, de doutes et de déceptions. Beaucoup de fausses joies, de larmes, et toujours le même résultat. Rien. Que dalle. Nada.
A 45 ans Julie déprime. Julie est en colère. Julie ne veut plus. Son regard s’est éteint, son corps n’est plus qu’une carcasse vide. Julie a disparu. Elle maudit le monde, elle maudit sa vie. Elle sait maintenant qu’elle vit en vain.
Julie a raté sa vie, pourtant elle a fait tout ce qu’il fallait. Elle a 20 sur 20. Elle a travaillé dur à l’école. Elle a décroché des diplômes. Elle s’est battue pour sa carrière. Elle a bien gagné sa vie. Elle s’est battue pour son couple. Elle a fait tout ce qu’il fallait pour avoir un enfant.
Tout ça pour ça ?
C’est pourtant quelqu’un de bien ! Elle fait le bien quand elle peut, et elle évite de faire le mal. Elle s’est toujours bien comportée avec tout le monde. Elle a toujours respecté les règles. Elle méritait vraiment mieux que ça.
Et maintenant quoi ? La ménopause ? La vieillesse ? A partir de 50 ans les femmes n'existent plus. Elles sont tout simplement invisibles. On ne les voit plus dans les films, plus dans les séries télé, plus sur les affiches publicitaires, pas même pour vendre de l’anti-rides !
La mère de Julie en est déjà passé par là. Elle continue son enseignement. Féministe elle l’a été. Féministe elle l’est. Féministe elle le sera. Alors elle a une réponse toute faite pour ça :
Quand on vieillit, on n’intéresse plus les hommes et on est tout juste bonne à jeter. De toute façon, toutes les femmes sont destinées à mourir seule. On n’a pas besoin d’eux, on a besoin de personne.
Sa mère l’a convaincue. Julie a décidé de rester forte. D’être solide dans sa tête et de rester debout sur ses 2 jambes. Elle n’a pas besoin d’un mec ! Julie est une femme forte et indépendante !
Voici 2 versions de la même image qui montrent ce que les hommes ou les femmes veulent à chaque étape de leur vie. Malheureusement, Les hommes et les femmes ne veulent pas les mêmes choses au même moment. Nous n'avons pas les mêmes prioriés dans la vie, et c'est souvent ce qui est à l'origine de nos conflits. Regardez.