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Les inégalités salariales

03 novembre 2023
Les inégalités salariales Les inégalités salariales [Christian DROUET/ STUDIO CREATIVE PARTNER]

En France les femmes travaillent pour des cacahuètes. Elles font le même travail que les hommes, elles travaillent plus, mieux, plus dur et plus longtemps. Elles sont plus diplômées, s’impliquent plus et s’investissent jusqu’au burnout, pourtant elles gagnent moins. Vous trouvez ça révoltant ? Ça l’est. Ça vous met en colère ? Il y a de quoi. Colette est l'une de ces femmes et son ami Nicolas a décidé de lui donner un petit coup de main. Voici son histoire.


Nicolas a compris le système, il travaille pour gagner sa vie. L’argent est sa seule ambition et sa seule motivation. Nicolas n’est pas un salarié ordinaire, contrairement aux autres, il est capable de tout, surtout du pire. Un vrai requin, capable de sentir l’odeur du sang à des kilomètres.

Toujours à l’affut d’un collègue en difficulté, il rode. Il fait le tour de tous les bureaux de son étage, à la recherche d’une opportunité. Coup de bol, son chef Olivier est sous pression et malheureusement pour lui, il va avoir besoin d’un coup de main de Nicolas.

Olivier est coincé, il doit rendre un dossier extrêmement important pour la direction, dans des délais intenables, avec 0 effectif, et 0 moyen. Du pain béni pour Nicolas. C’est exactement le genre de situation qu’il affectionne.

Nicolas va pouvoir tenir son chef par les couilles.

Nicolas a décidé de saisir cette opportunité pour obtenir une augmentation de salaire. Encore une. Nicolas n’est jamais rassasié, il en veut toujours plus. Il agit avec méthode, patience et détermination. Il agit en véritable expert, son plan est simple : sabotage, manipulation et chantage.

Première étape : Sabotage.

Pour se rendre indispensable, Nicolas sabote le travail de ses collègues. Il doit devenir le seul membre de son équipe en capacité de récupérer le dossier important. Il poignarde ses collègues dans le dos, les retardent, les empêchent, les limitent, en les surchargeant de problèmes urgents, couteux, et difficiles à résoudre.

Quand Olivier les sollicitera, tous doivent avoir une excuse en béton pour refuser le dossier. Les autres n’ont pas spécialement envie de l’aider mais Olivier insiste toujours pour que ce soit quelqu’un d’autre que Nicolas.

Olivier n’est pas stupide, Nicolas est toujours son dernier choix. Nicolas a sa petite réputation qui le précède, alors à moins d’être vraiment mais alors vraiment coincé, il refuse systématiquement de faire appel à lui.

Nicolas est malin lui aussi, et lui aussi connait très bien Olivier. Il sait très bien que son chef fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de passer par lui, alors il doit trouver une solution pour le forcer à le solliciter lui et maintenant.

Deuxième étape : Manipulation.

Nicolas vend le problème. Il fait croire à qui veut l’entendre que la situation est catastrophique. Il alerte la terre entière, jusqu’à ce qu’Olivier soit sommé par la direction de résoudre le problème en priorité.

Service de sécurité, services juridiques, services de conformité, Nicolas fait le tour de tous les services qui ont pour rôle d’inquiéter les actionnaires. Il les alerte en les menaçant d’un grave danger qui met en péril les profits de la société. Et s’il y a bien une chose qui fait réagir un actionnaire, c’est bien la baisse des résultats.

Il ne lui aura pas fallu bien longtemps pour parvenir à ses fins et c’est contraint et forcé qu’Olivier a fini par le solliciter. Il connait bien Nicolas, il sait très bien que faire appel à lui va encore lui couter un bras, alors il a prévu son coup.

Dernière étape : Chantage.

Nicolas fait chanter son chef. Il lui explique tout tranquillement, qu’il est prêt à s’investir corps et âme sur le dossier, qu’il comprend parfaitement le caractère urgent de la situation, mais que malheureusement, il ne pourra pas le rendre dans les délais impartis.

Sauf si, bien sûr, Oliver consent à le récompenser d’une belle petite augmentation de salaire. Nicolas sera alors prêt à sacrifier ses soirées et ses weekends pour tenir les délais. Le plan de Nicolas aurait pu marcher comme sur des roulettes, mais seulement voilà :

Colette est passée par là.

Colette, n’a pas compris le système. Colette est une cruche, une bonne poire. Colette ne travaille pas pour gagner sa vie, elle travaille pour faire plaisir aux autres. Elle se vante d’avoir des principes, des valeurs ou pire encore, d’aimer le travail bien fait.

Contrairement à Nicolas, Colette est très serviable. Très, très, très serviable. C’est bien simple, Colette dit « oui à tout », et attention : gratuitement. Colette est ravie de prouver à son chef qu’elle n’est pas un imposteur.

Colette à ce syndrome incompréhensible et typiquement féminin, qu’on appelle « le syndrome de l’imposteur. » Pour Colette, travailler dur ne suffit jamais et depuis son retour de congé maternité, elle doute de tout.

Malgré toutes ses belles réussites, Colette a peur d’être présentée comme un escroc. Pourtant ce n’est pas les diplômes qui lui manquent, encore moins l’expérience, mais malgré toutes ses compétences, on ne peut plus que démontrées : Colette a besoin de faire ses preuves.

Même surchargée de travail, Colette a accepté le dossier urgent.

Olivier a eu la présence d’esprit de d’abord pressuriser Colette, avant de demander gentiment à Nicolas, et c’est avec le sourire aux lèvres, qu’Olivier a annoncé à Nicolas, qu’il préférait encore sursolliciter Colette que de faire appel à lui.

Quitte à choisir entre 2 salariés surchargés de travail, autant choisir celui qui ne me coûte rien.

Quand il a appris la nouvelle, Nicolas a littéralement explosé intérieurement. On pouvait voir apparaitre dans le blanc de ses yeux, ses veines écarlates gorgées de sang. Nicolas hurlait intérieurement :

Pourquoi Colette ? Mais pourquoi Colette ? Mais pourquoi tu dis tout le temps oui à tout ?!

Nicolas déteste Colette. Comment pourrait-il obtenir une augmentation, si sa collègue qui gagne trois fois moins que lui accepte tout ?

Colette est la preuve vivante que Nicolas est un branleur. Elle prouve chaque seconde que Nicolas est incompétent, feignant, inutile, et surtout, beaucoup trop bien payé pour ce qu’il fait. Pire encore, elle est toujours celle qui justifie son refus d’augmentation.

Oliver a bien vu que derrière son masque faussement souriant, se cachait un Nicolas qui n’en resterait pas là, alors il l’a menacé :

Arrête Nicolas, n’y pense même pas. Je ne vais pas encore t’augmenter ! Ça me couterait beaucoup moins cher d’embaucher une autre Colette. Pour un mec comme toi, j’en ai littéralement trois comme elle ! Et elle, ELLE BOSSE !!

Nicolas n’était pas vexé qu’on le traite de branleur. Il n’a rien à prouver à personne et il n’a aucune intention de s’attirer les moindres faveurs de qui que soit. Il est même plutôt fier de gagner trois fois plus que tout le monde, en travaillant trois fois moins.

Non, ce qui le met vraiment en colère, c’est le refus systématique de Colette de demander une augmentation. Il lui en parle à chaque fois qu’il la croise. Quand Nicolas a fini par débarquer furieux dans son bureau, c’était pour lui hurler :

Mais bon sang Colette, demande une augmentation ! C’est pas normal que tu sois aussi mal payée. C’est insupportable ! Tu bosses comme une dingue, tu ne t’arrêtes jamais ! T’es la première arrivée et la dernière partie. Demande plus !
Colette est stupide.

Colette pense que Nicolas est le seul à vraiment reconnaitre la valeur de son travail. Elle se sent soutenue. Sans Nicolas, Colette serait très certainement en arrêt maladie pour burnout, mais comme vous pouvez l’imaginer, Colette a refusé.

Colette a toujours les meilleures excuses : C’est une femme, une victime, personne ne l’aime, quand elle demande elle n’obtient jamais rien, c’est la crise, elle attend son entretien individuel… C’est sans fin. Toutes les excuses sont bonnes pour ne surtout jamais rien demander.

Nicolas a donc deux possibilités. Soit il lui obtient lui-même, le même salaire que lui, soit il la pousse dans les escaliers. Problème, Nicolas a beau être égoïste, avide et sans scrupules, il a tout de même une conscience.

Pas une conscience professionnelle bien sûr, mais une conscience de l’âme… enfin, il croit. Pour la première fois de sa carrière, et peut être même de sa vie, Nicolas a décidé de venir en aide à une femme.

Nicolas a choisi d’attendre le bon moment pour faire pression sur Olivier. Il a attendu le jour de la réunion trimestrielle des actionnaires, pour à nouveau tenter de convaincre Olivier « d’alléger la charge de travail de Colette », en lui confiant à lui, le dossier important.

Quand son chef a refusé pour la énième fois de céder à son petit chantage, en prétextant que Colette lui coutait moins cher, Nicolas lui a répondu :

Oui est bien, ce n’est pas normal ! Il y a un problème de sexisme dans cette entreprise. Pourquoi les femmes sont systématiquement moins bien payées que les hommes ? C’est dégueulasse ! ET C’EST ILLEGAL !!!!

Nicolas est maléfique. Il a soigneusement choisi son moment. Il savait parfaitement que la porte était grande ouverte et a fait exprès d’élever la voix pour que tout le monde l’entende.

Il voulait que son message résonne dans toute l’entreprise quand il a ajouté :

Colette mérite une AUGMENTATION !! C’est sexiste de refuser de l’augmenter juste parce que c’est une FEMME !!! et c’est INTERDIT PAR LA LOI !!!!!

Son chef c’est littéralement liquéfié. Il savait que Nicolas était un salaud, mais à ce point-là, il ne s’y attendait vraiment pas. La direction était dans le bureau juste à côté, en plein milieu de leur petite réunion des actionnaires, en train de s’inquiéter de la baisse des résultats trimestriels.

Nicolas en a même rajouté une couche. Il l’a menacé de contacter les syndicats, et d’organiser une grande grève contre les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes. Et attention les yeux : Il l’a menacé d’appeler les journalistes !

À cet instant précis, son chef a compris qu’il s’était fait baiser. Il savait que toute l’entreprise l’écoutait quand il lui a répondu :

Bon ok, ça va. Je vais voir ce que je peux faire. Je vais en parler à la direction.

Quand Nicolas est sorti de la pièce, tous les regards étaient fixés sur lui. Ce n’était pas de la considération, pas même de la reconnaissance, encore moins de l’admiration. Non, tous connaissent bien Nicolas. C’était plutôt de la sidération.

Nicolas !? Sérieusement !? Nicolas ? LE Nicolas qui se branle du matin au soir ? Mais il est malade ? Qu’est ce qui lui prend ? Il est devenu fou ?

Quand Colette a appris le coup d’éclat de Nicolas, elle a littéralement pleurée de joie. Ce n’était pas feint. C’était d’une effrayante sincérité, quand elle s’est portée volontaire, pour organiser elle-même, un grand mouvement social pour les droits des femmes. Rien que ça.

Colette est une idiote.

Si Colette veut une augmentation, elle doit justement négocier son REFUS de faire grève. Nicolas pense que c’est du suicide et qu’ils vont surement la virer, mais la vérité, c’est qu’il s’en fiche complètement. Ça l’arrange d’ailleurs, bon débarras !

Nicolas la pousse à frapper fort :

Vas-y Colette, bats-toi ! Bats-toi pour l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes ! Bats-toi pour toutes LES FEMMES !!!

Colette se sent pousser des ailes, elle fait le tour de tous les bureaux et se lance dans de grands discours pour convaincre les autres femmes de se battre. Pour Nicolas c’est parfait, son plan fonctionne à merveille, il sait qu’il va enfin pouvoir obtenir son augmentation.

Le lendemain, Nicolas est tout sourire quand son chef le convoque dans son bureau. Il sait qu’il a déjà gagné. Le temps joue pour lui, il ne lui reste plus qu’à attendre. Olivier devra soit virer Colette, soit l’augmenter, mais dans tous les cas, il ne pourra plus s’en servir comme prétexte pour ne pas l’augmenter lui.

Seulement voilà, son chef aussi est un salaud et on peut dire qu’Olivier a pris beaucoup de plaisir à lui expliquer son plan maléfique :

Ecoute-moi bien mon petit Nicolas, tu vas l’avoir ton augmentation, mais ta petite Colette, elle va dégager. La direction ne veut pas prendre le risque de conflits sociaux et encore moins de poursuites. Ça fait trop longtemps qu’on aurait dû l’augmenter.
Et attend, tu vas adorer. C’est TOI mon petit Nicolas qui va le lui annoncer, parce que je viens de faire de toi son chef. C’est bien simple, si tu veux ton pognon, vire Colette !

Olivier est malin. Il veut désamorcer sa petite vindicte populaire en se défaussant sur lui. Il connait trop bien Nicolas pour savoir qu’entre l’argent et son « amitié » pour Colette, son choix sera vite fait.

Oui c’est injuste, oui c’est dégueulasse, mais bon, qu’est-ce que vous voulez ? Nicolas a bien évidement choisi de virer Colette.

En France, le monde du travail est cruel, les efforts ne sont jamais récompensés, le travail ne paie pas, les collègues trahissent toujours et à la fin, ce sont les femmes qui se font baiser.


À VOUS DE JOUER !

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Le petit sondage

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Selon l’observatoire des inégalités, à temps de travail équivalent, les femmes gagnent en moyenne 15% de moins que les hommes. Pourquoi les femmes sont-elles moins bien payées que les hommes ?
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