Elle s’appelle Charline et elle s’est fait violer par son ex. Elle souffre, elle ne s’en remet pas. Les premiers jours, Charline ne voulait pas porter plainte contre le père de ses enfants. Charline lui cherchait des excuses :
Thierry avait trop bu. Thierry était de mauvaise humeur. Thierry s’est emporté. Ce n’est pas de sa faute, d’habitude il n’est pas comme ça !
Il est un peu colérique, c’est sûr, mais c’est surtout parce Thierry n’accepte pas qu’on lui dise non. Thierry a été élevé comme un enfant roi dans une famille aisée. Ses parents ont toujours cédé à ses caprices. Forcément, le petit Thierry a fini par croire que tout était permis, que tout lui était dû.
Ses parents lui faisaient croire qu’il était meilleur que les autres, qu’il était spécial. Il était le fils prodigue, la fierté de sa maman. On lui prédisait le plus bel avenir, le plus beau des destins. Thierry était capable de tout.
Tu peux obtenir tout ce que tu veux dans la vie. Si tu le veux vraiment, tu peux.
Thierry a toujours eu des difficultés à réfréner ses émotions, ses pulsions. On ne lui a jamais appris à gérer ses colères et ses frustrations. Quand il s’emportait, sa mère le défendait toujours :
Laisse-le faire comme il veut.
Quand il dépassait les limites, qu’il allait trop loin. Son jeune âge l’excusait de tout. Ses parents ne lui ont jamais appris à assumer ses responsabilités et encore moins à payer pour les conséquences de ses actes.
Ce n’est pas grave, c’est rien.
Charline dit toujours que tout est de la faute de sa mère. Elle était trop permissive, elle n’a jamais instauré de règles strictes. Elle ne lui a jamais appris à respecter des limites, alors évidement, il a manqué de discipline.
Tout est une question d’éducation.
En France, en matière de viol, les femmes excusent les hommes, et condamnent les autres femmes. Les pauvres bougres, se sont laissés séduire par des petites allumeuses, inconscientes du danger :
Charline aurait dû le savoir, elle sait très bien comment il est ! Elle savait très bien qu’elle n’aurait jamais dû porter ce petit ensemble sexy. Pourquoi a-t-elle fait ça ? Elle cherche aussi !
C’est le genre de phrases que Charline a entendu toute sa vie, sauf que cette fois-ci, c’est elle la cruche. C’est elle, la ravissante idiote. C’est elle, la pauvre fille.
Charline ne voulait pas subir cette humiliation de plus, cette double peine. Elle n’aurait pas supporté qu’on la traite de menteuse. Elle n’avait pas la force de supplier pour qu’on la croit, alors elle a menti. Elle a protégé son violeur, le père de ses enfants.
Elle savait qu’on lui reprocherait de détruire la vie d’un homme bien, un bon père de famille. Tout le monde adore Thierry, ses amis le défendent toujours. Charline en avait déjà trop bavé après leur séparation. Ses « soi-disant » amis lui ont tourné le dos à la minute même où ils se sont quittés.
À leurs yeux, c’était toujours elle la méchante :
Charline est une menteuse.
Charline cherche à se venger.
Charline veut de l’argent.
Sa pension alimentaire ne lui suffit pas ?
Charline ne veut pas travailler.
Charline est feignante.
Charline est bête.
A son âge elle ne retrouvera plus jamais un homme comme lui.
Charline a grossi.
Charline se laisse aller.
Charline ne fait plus aucun effort.
Charline ne fait plus attention à elle.
Elle était devenue celle qui inspire la méfiance. Celle qui fait taire les discussions quand elle entre dans la pièce. Celle qu’on n’appelle plus. Celle qu’on regarde avec mépris ou avec pitié.
Mentir à ses proches est difficile. Mentir après un viol, est tout simplement impossible. Comment expliquer les bleus sur les bras ? Comment justifier le coquard sous l’œil gauche ? Comment camoufler la lèvre gonflée, le nez enflé, les marques de mains sur le cou ?
Même avec une tonne de maquillage, on ne peut pas dissimuler une démarche. Le pas hésitant d’une femme qui boite. La difficulté de s’asseoir, ou de se relever. La lenteur des mouvements de tête, la maladresse d’une main qui ne peut même plus soulever une tasse de café.
Charline a dû inventer toute une histoire.
Une histoire qui lui permettrait de pleurer en public à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Une histoire qui pourrait expliquer qu’elle sursaute quand une porte claque. Une histoire, qui justifie qu’elle dort avec la lumière allumée ou qu’elle reste tétanisée quand elle se retrouve seule avec un homme dans un ascenseur.
Il faut qu’elle soit suffisamment crédible pour faire accepter à ses proches, qu’il est hors de question pour elle, de sortir seule la nuit, de prendre les transports en commun, d’habiter en banlieue, ou pire encore, d’être jolie.
Charline ne supporte plus le regard des hommes qui la désire. Elle a peur de plaire, peur d’être aimée à nouveau. Quand les femmes sont laides, elles n’existent plus et c’est exactement ce que recherche Charline.
Charline s’est coupée les cheveux bien trop courts ! Charline cache ses formes sous des vêtements larges. Charline ne porte plus que des pantalons. Charline ressemble à un garçon. Charline s’habille comme un sac à patates. Charline était tellement jolie avant son agression !
Elle leur a fait croire qu’elle s’était fait agresser dans la rue par un arabe. Un musulman barbu. Un islamiste, probablement venu du Maroc ou d’Algérie. Un migrant qui traverse la méditerranée dans un bateau gonflable, pour s’en prendre à « nos valeurs chrétiennes » et à « notre civilisation ».
Tout le monde l’a cru.
Thierry a pu respirer un grand coup. Il pouvait enfin oublier tout ça et passer à autre chose. Il s’est promis à lui-même, de ne plus jamais recommencer. Ça n’en vaut pas la peine, c’était un mauvais coup de toute façon. Aucune femme ne vaut 15 ans de prison.
Thierry a changé depuis que Charline s’est faite agressée.
Il est tout gentil avec elle. Regarde comme il est doux ! Regarde comme il est prévenant.
Ils sont adorables tous les deux, ça me rappelle leurs débuts.
Tu crois que Thierry et Charline vont se remettre ensemble ? Ce serait bien !
Charline devrait lui laisser une seconde chance.
Elle n’avait pas prévu que ses amies essaieraient de les remettre ensemble. Elle ne se doutait pas non plus qu’un feu intérieur déclencherait en elle des excès de colère, à chaque fois qu’on lui demanderait de reconsidérer la question.
Charline avait sous-estimé son instinct de survie. Elle ne savait pas encore qu’elle était capable de se battre, qu’elle était capable de leur de tenir tête, même seule contre tous. Pour Charline, c’était un non catégorique, plus jamais elle ne se remettrait avec lui. Plus jamais ça.
Plus jamais, jamais, jamais.
Un beau jour elle a fini par s’emporter. Pour la millième fois, on lui demandait de faire un effort et de se remettre avec Thierry.
Qu’elle le fasse pour ses enfants !
Charline, ne pense qu’à elle.
Charline veut que ses enfants grandissent sans père.
Charline va finir seule !
Ses enfants souffrent, tout est de la faute de Charline.
Mais enfin Charline ! Pense aux enfants !
Cette fois-ci, s’en était trop. Charline a fini par lâcher le morceau. Elle a criée :
Pour que mes enfants soient élevés par un violeur ! Hors de question !
Le mot était lâché. Pour la première fois de sa vie, elle avait osé prononcer le mot. À partir de cet instant, tout ne serait plus jamais comme avant. Une nouvelle Charline était née.
Pour une fois, ses amies se sont tues et l’ont écoutée. Charline leur à tout raconté. Même des années après son viol, tout était encore frais dans sa tête. Elle était capable de tout décrire jusque dans les moindres détails. Elle ne leur a rien épargné. Elle décrivait Thierry comme un monstre froid, violent et inhumain.
Personne ne l’a cru. Évidement.
Seulement voilà, quelque chose en elle avait changé. Dorénavant elle se fichait de ce que les autres pouvaient bien penser. A aucun moment elle ne cherchait à les convaincre, pourtant, leur réaction fut sans équivoque :
T’as pété un câble ma vielle.
Tu vas trop loin. Il n’aurait jamais fait ça.
Ça fait des années que je le connais, il ne ferait jamais une chose pareille !
C’est le premier à nous défendre quand on se fait emmerder.
T’es dégueulasse ! Ça ne se fait pas de dire des choses comme ça !
C’est pas parce que tu ne l’aimes plus que tu dois détruire sa vie !
Leurs mots glissaient sur elle comme de l’eau sur de la roche. Charline était déterminée. Elle se fichait éperdument des regards réprobateurs. Elle voyait bien dans leurs yeux, qu’elle les dégoutait. Tous la jugeaient et la condamnaient sévèrement, mais elle en était complètement indifférente. Charline était enfin prête à se battre, une petite voix dans sa tête lui disait :
Les choses sérieuses vont commencer. Beaucoup de gens vont souffrir, beaucoup vont pleurer, certains ne s’en remettront jamais. Les choses vont changer et elles ne seront plus jamais comme avant.
Elle leur a sorti, juste comme ça, froidement :
Je vais porter plainte contre Thierry pour viol.
Bien sûr, elle avait peur d’aller au commissariat toute seule mais personne n’a voulu l’accompagner. Elle avait l’impression de les trahir. Tous mais surtout lui. Pire encore, elle se sentait coupable de priver ses enfants d’un père aimant, pour la deuxième fois.
Comme d’habitude, elle était la méchante. Elle s’en prenait au héros de son fils. Bien trop jeune pour comprendre, il ne le lui pardonnerait sans doute jamais. Sa fille elle, la pardonnera peut-être un jour, mais pour l’instant, Charline lui vole son papa.
Elle s’est rendue au commissariat, tôt le matin, déterminée à en finir au plus vite. Elle aurait voulu que ça aille vite, qu’il ne suffise que de remplir un simple formulaire, Charline aurait voulu la justice.
Mais non.
Charline ne savait pas encore ce qu’était « la machine à broyer les femmes ». Charline croyait bêtement que la police était là pour la protéger. Elle voyait dans les séries télé que les méchants finissaient toujours en prison.
Pour elle, la police, c’était « les gentils ». Elle a même envisagée que quelqu’un, un jour, quelque part, prendrait sa défense. Elle était si naïve.
C’est une femme qui a pris sa déposition. Une femme flic, blasée, qui a classé sans suite bien trop de plaintes pour viol. Une femme flic « placardisée », placée là pour annoncer à des milliers de victimes en colère que la police est impuissante, inefficace, inutile.
C’est un véritable interrogatoire que Charline a subi.
La malheureuse a bien compris pendant sa déposition qu’elle était coupable de diffamation et de dénonciation calomnieuse. Charline a fait perdre son temps à la police et Charline devrait être condamnée pour ça.
Madame, on n’est pas là pour résoudre vos problèmes de couples. Les enquêteurs ont mieux à faire que de résoudre vos petits conflits avec votre ex-mari.
Madame, il y a d’autres moyens d’obtenir la garde exclusive de vos enfants !
Mais enfin madame, qu’est-ce que vous cherchiez exactement habillée comme ça ?
Madame, pourquoi cherchiez-vous à le séduire ?
Et ça n’est arrivé qu’une seule fois ? en 15 ans ?
Vous aviez bu ? Même pas un petit verre ?
Qu’est-ce que vous lui avez fait exactement avant cette relation sexuelle, vous l’avez séduit ?
Vous l’avez provoqué, vous l’avez insulté, vous lui avez manqué de respect ?
Etes-vous vraiment sûr que vous lui avez dit non ? Un vrai non ? ou juste un petit non ?
Pourquoi ne pas l’avoir repoussé ?
Pourquoi l’avez-vous laissé faire ?
Pourquoi n’êtes-vous pas allée à l’hôpital ? C’est trop tard pour faire des analyses maintenant !
Vous avez des preuves ? Madame, si vous n’avez pas de preuve je ne peux rien faire.
Il y a des témoins ?
Pourquoi n’avez-vous rien dit pendant tout ce temps ?
Juste comme ça, vous avez changé d’avis ? Vous vous êtes réveillée un matin et vous avez découvert que vous vous êtes faite violer ?
Vous croyez que c’est un jeu ? Vous croyez qu’on est là pour s’amuser ?
Vous avez pensé à vos enfants ?
Charline a beaucoup pleuré.
En sortant du commissariat, Charline a compris qu’elle s’était trompée. Elle ne s’est pas du tout faite violer. Thierry est quelqu’un de très bien. Il ne mérite pas qu’on détruise sa vie. C’est elle qui a un problème, elle a tout inventé.
Tout est de sa faute.
Etonnamment, sa plainte n’a pas immédiatement été classée sans suite. Elle a d’abord été « perdue ». Ce que Charline ne savait pas encore c’est que la police joue à un jeu. La règle est simple quand un policier prend votre déposition, il l’imprime et il vous la fait signer.
Ensuite, quand vous quittez la pièce, le policier en fait une petite boule de papier et tente de marquer un panier en la jetant directement dans la poubelle située à l’autre bout de la pièce. S’il réussit du premier coup, il gagne un point et la plainte est « classée sans suite », sinon elle est « perdue ».
Pour motiver les policiers à adhérer à cette politique du chiffre, la direction a décidé qu’au bout de 10 points, le policier aurait droit au paiement d’une heure supplémentaire. Au bout de 3 heures supplémentaires il a droit à une petite bière après le boulot avec ses collègues.
Comme vous pouvez l’imaginer cette petite soirée entre collègues ne doit pas dépasser 3 heures.
Charline a dû appeler le commissariat des dizaines de fois avant que les policiers finissent par « retrouver » sa plainte. Elle a dû crier très fort, mais elle a tout de mème finit par obtenir une réaction de la police.
Madame, l’enquête est en cours.
Thierry a été convoqué au commissariat pour répondre à quelques questions. Il a tout nié en bloc. Le policier l’a cru et s’est excusé pour le dérangement. Quand il l’a raccompagné jusqu’à la porte, il lui a même conseillé de porter plainte contre Charline.
De retour à son bureau, le policier a senti qu’il pourrait facilement prouver qu’il s’agit bien d’une dénonciation calomnieuse, alors il a immédiatement passé quelques coups de fils.
Son flair de policier ne l’a pas trompé. Il ne lui a fallu que quelques heures pour trouver des témoignages accablant contre Charline. Il n’a eu qu’à interroger l’entourage du couple, pour trouver des dizaines de témoins prêts à déclarer sous serment, que toute cette affaire de viol n’est en réalité qu’une mascarade.
Son rapport est sans appel :
Les faits énoncés par la plaignante ne sont en réalité que les fruits de son imagination. Les blessures, et les multiples contusions mentionnées dans sa plainte ne sont en réalité que les traces d’une agression survenue le jour, à l’heure dite, par un autre individu.
Tous les témoignages concordent. C’est un migrant, arabe, musulman, islamiste, d’origine Algérienne ou Marocaine qui aurait agressé la plaignante.
Son ex-conjoint est hors d’état de cause.
Le couple était alors en instance de divorce. Depuis, le couple a connu de nombreux conflits. Des disputes au sujet du montant de la pension alimentaire et au sujet de l’attribution de la garde des enfants, auraient éclatés à plusieurs reprises.
De nombreux témoins affirment que la plaignante aurait mal vécu leur séparation. La plaignante aurait changé de comportement à l’égard de son ex-conjoint, après avoir appris qu’il refaisait sa vie avec une autre femme, plus jeune.
Charline a été condamnée pour dénonciation calomnieuse.
Charline est ruinée.
Charline n’a plus d'amis.
Charline n’a pas d’amant.
Charline a grossi.
Charline déteste son corps.
Charline déteste son image dans le miroir.
Charline se hait.
Charline a sombré dans l’alcool, la drogue et la dépression.
Charline a perdu la garde de ses enfants.
Charline a tenté de se suicider.
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